Le département de Cauca situé dans le Sud-Ouest de la Colombie abrite le principal centre des réserves indigènes du pays et notamment le peuple Misak (ou Guambiano en espagnol) qui a le mieux préservé ses coutumes ancestrales. Son territoire reculé s’échelonne en altitude dans la cordillère centrale et dans les environs de la jolie ville de Silvia. Silvia qui nous mène agréablement à la rencontre de cette communauté, en lutte permanente pour son identité, ses libertés et son mode de vie, vivant en total autonomie sur ses terres, l’élément essentiel à sa survie.
Silvia, cette commune au nom de femme est composée de deux zones rurales et de six réserves indigènes. Elle est située à 1h30 de route de Popayán, la capitale du département de Cauca. Sa population est proche de 32 000 habitants, dont 80% sont autochtones. Silvia est verte et perchée à 2500 m d’altitude. Grâce à ses environs vallonnés et la rivière qui la traverse, on la surnomme la « Suisse d'Amérique ».
Mercedes Tunubala Velasco, 44 ans, plus connue sous le nom de "Mama Mercedes" est Misak et a été élue le 27 octobre 2019 maire de Silvia, c’est la première femme autochtone à occuper ce poste. Économiste de profession, Mercedes a grandi dans le village de La Campana, de la réserve de Guambía. Inspirée par le travail social de ses parents, au sein de la communauté elle entend bien le poursuivre à sa manière. « Notre Silvia a un esprit maternel, mais une femme n'était jamais arrivée à la première position, nous avons eu trois administrations misak, tous des hommes ». explique Mercedes « La société machiste nous discrimine pour être une femme et pour être indigène », reconnaît-elle « …Le machisme prévaut également dans nos communautés, la lutte des femmes doit rester forte. » (propos recueillis par M.A. Espinosa Borrero de El Tiempo).
La communauté Misak regroupe environ 13 000 personnes dans la région de Silvia et 21 000 dans tout le pays. Grâce à la constitution de 1991, elle a pu obtenir le droit primordial aux terres ancestrales. Cette réserve indigène est appelée Guambia, un espace territorial, physique, délimité, légalisé par un titre qui appartient à la communauté, appelé le « Resguardo », gouverné par un « cabddo ». Le peuple Misak a une autonomie politique dans le domaine de la santé et de l’éducation, il possède sa propre université. Il a légalement le droit d'imposer ses propres lois traditionnelles et ses coutumes, appliquant lui-même son autorité. Il parle sa propre langue, le namtrik, aussi appelé namui wam ou guambiano, qui appartient à̀ la famille linguistique Barbacoa. Une langue enseignée à l’école, parlée par tous.
Les Misak sont facilement reconnaissables à leurs costumes traditionnels, dont ils sont tous revêtus comme une revendication. En effet, ces costumes représentent le symbole de leur identité, en lutte contre la représentation du monde occidental.Tous portent des bottines et des chapeaux melon ou plats de feutre noir. Les couleurs sont symboliques, le bleu faisant référence à l'eau et le rouge au souvenir du sang versé par leurs ancêtres pendant la colonisation. Les femmes portent une sorte cape en laine tissée d’un beau bleu indigo, doublée de rose fuchsia. Leurs jupes aux tons foncés noir ou bleu sont ourlées de rayures roses, parfois plissées, retenues par des « chumbes » ces larges ceintures en tissus brodé. Elles portent également des colliers de perles fines et dans leur dos l’incontournable « mochila », ce sac en bandoulière en fibre végétale et laine de mouton, héritage de l’art des peuples indigènes vendu partout dans le pays. Ces vêtements sont interchangeables avec ceux des hommes qui semblent porter les capes des femmes en jupe. À la différence des femmes, les hommes portent un poncho tissé la « ruana » bleu, gris, ou marron et une écharpe enroulée rouge et orange.
Les Misak sont à la fois agriculteurs et petits-artisans. Ils cultivent la terre, le maïs, la pomme de terre, le manioc, le café et s’occupent de petits élevages (moutons, chèvres, poules…). Chaque mardi, ils descendent dans le centre-ville de Silvia pour vendre leurs produits à l’occasion d’un grand marché hebdomadaire, où ils prennent plaisir à se réunir.
Ce peuple est très coopératif et solidaire. L’entraide est permanente au sein de la communauté qui veille à l’égalité des foyers. Un peuple également très soucieux de conserver ses traditions au détriment du consumérisme. Ici, à la place des antibiotiques on prescrit des huiles essentielles et décoctions de plantes qui poussent sur le territoire. Les rituels liés à la médecine traditionnelle sont très présents et rythment la vie des membres de la communauté.
Pour les Misak, surnommés « Les fils de l’eau » les esprits arrivent avec la pluie qui rafraîchit et qui purifie. Leur « cosmovision » est une spirale sans fin. De même que l'eau s'évapore et retombe en pluie, les morts ne disparaissent pas, leurs esprits reviennent, jusqu'au jour où ils se réincarnent.
Découvrir une région qui s’ouvre au tourisme depuis peu, et partir à la rencontre des Misak ou Guambianos depuis la jolie ville de Silvia est une expérience très dépaysante qui demeure au-delà du folklore, une aventure hors du commun !
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